Nicole Favereau : le changement de pied en deux temps : étape ou fatalité ?

Cavalière internationale, membre de l'équipe de France, enseignante, triple vainqueur du Grand National de la FFE, mais aussi créatrice d'E-Riding Solutions, le concept qui permet aux cavaliers de trouver une méthode d'entraînement à domicile leur permettant d'optimiser leurs performances grâce à de simples échanges vidéos, Nicole Favereau nous en dit un peu plus sur le changement de pied en deux temps :

Qui n’a pas rêvé de changer de pied en l’air avec un cheval dressé et mieux encore avec son propre cheval ? Mais cet apprentissage qui semble aisé au premier abord, peut rapidement virer au cauchemar et provoquer chez le cavalier de réelles prises de tête tout en générant chez le cheval un certain stress. En effet, si l’on se contente seulement de passer du galop à gauche au galop à droite en inversant simplement les aides il y a fort à parier que le cheval non initié fournira une infinité de réponses sauf celle que l’on attend de lui ; comme par exemple : fuir vers l’avant, croupionner, rester sur le même pied , se désunir par les antérieurs ou par les postérieurs, ou encore craquer au trot pour repartir sur l’autre pied et j’en passe. Le premier problème réside dans la faculté de compréhension de la part du cheval et si le cavalier est un expert, il saura comment amener sereinement sa monture à effectuer ce saut à cloche pied que constitue le changement de pied en l’air. Car il s’agit bien de cela ; le cheval doit se réceptionner une deuxième fois sur le dernier postérieur qu’il vient de poser à l’issue du temps de suspension. Plus clairement, lorsque le cheval galope à droite, le mécanisme est le suivant : postérieur gauche, diagonal gauche (antérieur gauche-postérieur droit), antérieur droit puis temps de suspension ou les quatre membres ne touchent plus le sol. Si le cheval change correctement de pied pendant cette période de projection pour passer sur le pied gauche, alors il devra avancer le bipède latéral gauche et se réceptionner sur le postérieur droit pour amorcer la séquence du galop à gauche : postérieur droit, diagonal droit, antérieur gauche puis nouvelle projection. On se rend compte par l’observation que dans l’inversion, les deux bipèdes antérieurs et postérieurs ne sont jamais complètement simultanés. Si le bipède antérieur change d’abord, le cheval sera désuni par l’avant (cas le plus fréquent) donc pour que le changement de pied soit correct il faut que ce soit le bipède postérieur qui amorce le mouvement car même si le bipède antérieur prend du retard, le changement de pied sera malgré tout plus facile à rectifier.

Il s’avère donc que le moment de la demande est très important car pour que le cheval accepte de changer pendant la phase de projection, il faut que la commande de la part du cavalier intervienne au bon moment. Biomécaniquement parlant, le plus vraisemblable est donc de passer la commande sur le 2ème ou 3ème temps du galop juste avant la phase ou les 4 membres quittent le sol. Ce moment n’étant pas très facile à percevoir, il vaut mieux juste chercher à éviter le 1er temps qui favoriserait l’inversion du bipède antérieur qui est allégé à ce moment là du galop.

Il y a plusieurs façons de demander le changement de pied :

- Sur la ligne droite, le cercle, la serpentine, la diagonale, la cession jambe, la contre-cession jambe, le contre galop, l’appuyer...C’est au cavalier de choisir quelle préparation sera la plus adaptée à son cheval. Néanmoins, quelle que soit la méthode choisie le cheval devra être léger aux aides et partir au galop du pas sur l’indication la plus fine qui soit.

- Lorsque l’on n’obtient pas immédiatement un changement de pied correct, il ne faut pas s’alarmer car le cheval a besoin d’un peu de temps, d’une part pour assimiler la demande et d’autre part pour inverser simultanément les deux bipèdes. En revanche, il ne faudra pas laisser s’éterniser le passage de changements de pied en deux temps au risque de les installer dans la durée et ne plus pouvoir par la suite obtenir une synchronisation correcte. Lorsque le cheval s’organise pour changer de pied en deux temps, c’est le plus souvent parce que la phase de projection n’est pas assez longue et que le cheval n’a matériellement pas le temps d’inverser pendant celle-ci. Il va donc inverser devant puis derrière ou derrière puis devant sans réellement quitter le sol.

- Dans tous les cas, il faudra donc chercher un galop avec une bonne amplitude et pour cela un cheval qui se pousse dans l’équilibre et la rectitude.

-Si le cheval commence par les antérieurs, il faudra certainement essayer de l’avoir un peu plus bas et plus rond afin d’alléger la croupe, ce qui favorisera l’inversion prioritaire des postérieurs et demander le changement de juste à faux sur un grand cercle ou dans un coin en début de grand coté. L’idée sera donc plus de chercher à désunir le cheval par les postérieurs, ce qui à terme permettra de commencer le changement par l’arrière main.

Si le cheval commence par les postérieurs, c’est presque gagné car il faudra juste, à ce moment là, penser à décaler ses mains en direction du nouveau changement pour embarquer les antérieurs lors de la demande. On pourra demander le changement soit de faux à juste sur le cercle ou la ligne droite ou encore sur une ligne brisée.

Dans tous les cas, il est préférable d’être assisté par un observateur averti à pied qui saura vous indiquer si le changement est correct ou non afin de récompenser largement le cheval lorsqu’il met de la bonne volonté et que les essais deviennent de plus en plus concluants.

La patience sera dans tous les cas la meilleure alliée dans cet apprentissage difficile pour que le rêve devienne enfin réalité.

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