Caroline Rioche : mon vœu est qu'un jour, tous les chevaux sélectionnés soient nés en France
A 3 mois des Championnats du Monde Jeunes Chevaux, la SHF liait cette semaine ses modalités de qualification et de sélection pour l'échéance qui retrouvera cette année Verden, le temple du cheval Hanovrien ; un règlement qui donne comme les années précédentes et suivant les recommandations de la WBFSH, la priorité aux chevaux nés en France. Entre ambitions 2020, projet d'élevage et orientations politiques et stratégiques, Dressprod fait le point avec Caroline Rioche, la Présidente de la commission Dressage de la SHF.
Après une année marquée par peu de concours jeunes chevaux, quelles sont les ambitions de la SHF pour les prochains Championnats du Monde Jeunes Chevaux ?
L'ambition de la SHF est d'envoyer des chevaux représentatifs de la qualité que l'on peut trouver en France, si possible issus d'éleveurs français bien évidemment, mais aussi d'être représentée avec des couples qui donnent la meilleure image du dressage des jeunes chevaux en France. Si c'est possible, nous souhaitons donc faire concorder l'élevage et la performance. L'ambition est donc bien de montrer au monde entier, que la France est aussi un pays d'élevage de chevaux de dressage. C'est la place que la France doit prendre demain et c'est ce travail que la SHF mène. C'est de cette une manière que l’on va donner l’envie aux éleveurs d’améliorer leur poulains pour de telles échéances. C'est déjà ce qui se passe, puisque depuis 5 ans, le nombre de poulains de dressage nés en France augmente chaque année et qu'il y un véritable intérêt pour cette discipline. La qualité des poulains s'améliore année après année, ce qui montre bien qu'à un moment donné nous réussirons à avoir plus de chevaux issus de l'élevage français pour participer aux Championnats du Monde et qui seront capables d'être parmi les meilleurs.
Les critères de qualification et de sélections des couples pour les Championnats du Monde sont sortis cette semaine. Comprenez vous que la priorité donnée dans un premier temps aux chevaux nés en France puisse décevoir et inquiéter des propriétaires et cavaliers qui auraient acheté des chevaux à l'étranger dans la perspective de cette échéance ?
Je comprends que cela puisse inquiéter des investisseurs. Néanmoins, il est aussi nécessaire que les éleveurs français puissent avoir une chance de participer à ces Championnats. Aujourd'hui l'élevage du cheval en France, que ce soit par le nombre ou la qualité, ne peut pas rivaliser avec des nations comme l'Allemagne ou les Pays-Bas. Si on continue à rester dans cette politique visant à n'envoyer que les meilleurs chevaux présents sur le sol français, il y aura démotivation des éleveurs français. Je pourrais mettre cela en parallèle de la décision prise il y a 5 ans de fermer les Championnats France Dressage aux chevaux qui n'étaient pas nés en France. Cette décision a été vivement critiquée, en disant que plus personne ne viendrait aux Championnats et que la qualité allait en pâtir. Aujourd'hui, on s'aperçoit que c'est l'effet inverse : non seulement on a du nombre, mais aussi de la qualité. Tous les poulains qui viennent à France Dressage sont donc des poulains nés sur le sol français. Donner de l'espoir et de la perspective aux éleveurs français les incite à s'inscrire dans cette démarche, preuve en est que la plus part inscrivent aujourd'hui leurs chevaux dans le studbook Selle Français parce qu'ils ont cet espoir. Si on ne met plus cette mesure, on enlève cet espoir. Nous avons quand même établi des barèmes qui nous permettent d'espérer envoyer les meilleurs produits français : si un cheval né en France dans un studbook français n'atteint pas les minimas c’est qu’il n'est pas suffisamment qualitatif. Il ne pourra pas aller aux Championnats du Monde. Un autre cheval sera alors sélectionné, mais nous devons continuer à aller dans ce sens. C'est une directive de la WBSFH, ce n'est pas une décision française, c'est dans le règlement : la priorité doit être donnée aux studbooks nationaux.
A plus court terme et hors considération d'élevage, n'est ce pas prendre le risque de se priver de couples à fort potentiel qui pourraient aussi, par leurs résultats, valoriser toute la filière française ?
Créer un cheval pour aller aux Championnats du Monde est un travail que j'estime à presque 10 ans, avec au moins 5 années de sélections génétiques sur la mère. Si la France a autant de retard c'est aussi car, pendant 20 ans, il n'y a pas eu de choix politiques de valorisation de l'élevage du cheval de dressage. Il faut donc absolument que la filière et les investisseurs en aient conscience. On peut acheter des chevaux à l'étranger. Cependant, si on souhaite que la France devienne une nation forte, il faut qu'il y ait ce travail de fond qui soit fait. Si demain on veut rendre à la France ses lettres de noblesse pour la discipline du dressage, il faut en passer par là et par ces règles, investir dans les très bons poulains qui naissent en France, aider les éleveurs à les valoriser, à les mettre sous la selle des meilleurs cavaliers et leur donner la chance de les travailler dans les meilleures conditions possibles. Notre filière a aussi besoin de ces investissements pour se développer. Les éleveurs pourront ainsi investir dans les meilleures saillies, dans de nouvelles poulinières, et faire de qualité. Tout le système en tirera le bénéfice et demain, ça ne sera même plus un sujet de discussion. Mon vœu est donc que un jour tous les chevaux qui seront sélectionnés pour les Championnats du Monde soient nés en France, c'est pour ça que je travaille. Dans le règlement de cette année, nous avons rajouté une phrase très importante : au delà des 77 %, si on estime que les chevaux ne rentrent pas dans un critère international, on se réserve le droit d'envoyer des chevaux étrangers qui ont, eux, passés les barèmes demandés.
77% minimum pour est être sélectionnable vous parait-il suffisant, notamment pour éviter des déceptions et déconvenues aux Championnats ?
C'est un dilemme permanent. 77 % c'est la barre qui avait été mise lorsque la prime Espoir était encore à 77 %. Depuis 2 ans, la prime Espoir est passée à 80 %. On s'aperçoit que depuis cette date, les 80 % sont beaucoup plus souvent dépassés en France. La barre des 77 % était en discussion cette année, mais avec le contexte du Covid où les chevaux ont été peu vus sur le circuit, il était difficile de remonter la barre à 80 %. J’ai confiance dans le comité de sélection qui est constitué de juges internationaux, habitués des Championnats du Monde des jeunes chevaux, ils sauront faire la meilleure sélection pour la France.
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